A. Les écosystèmes méditerranéens

A1. Quelques définitions

Une biocénose : Groupement d’êtres vivants (plantes, animaux, …) vivant dans des conditions de milieu déterminées et unis par des liens d’interdépendance. Le terme recouvre à la fois l’ensemble des communautés, la répartition de leurs espèces et leurs inter-relations. Les populations d’une biocénose vivent ensemble de façon ordonnée et non comme des organismes distribués au hasard. Les organismes sont répartis dans l’espace de manière à utiliser au mieux les conditions offertes par le milieu.

Un biotope : Territoire occupé par une biocénose. C’est la composante renfermant des ressources suffisantes pour assurer le développement et le maintien de la vie.

Un écosystème = BIOTOPE + BIOCÉNOSE
Un écosystème est une unité écologique fonctionnelle douée d’une certaine stabilité, constituée par un ensemble d’organismes vivants (biocénose) exploitant un milieu naturel déterminé (biotope). Cette notion intègre également les interactions des espèces entre elles et avec leur milieu de vie. Les écosystèmes sont en général caractérisés par le substrat qui les compose (sable, rochers, …), mais certains sont définis par l’espèce dominante que l’on observe dans ces zones (herbier de posidonie, coralligène, …).
Il est important de comprendre que des interactions existent entre eux, mais que les limites entre chacun ne sont pas aussi franches que l’on peut le croire. On passe souvent d’un écosystème à l’autre de façon très progressive.

A2. Les particularités de la Méditerranée

La Méditerranée est une mer presque fermée, qui communique par les détroits du Bosphore et des Dardanelles avec la mer Noire, par le canal de Suez avec la mer Rouge et par le détroit de Gibraltar avec l’Atlantique. L’évaporation importante, les faibles précipitations autour du bassin et le nombre réduit de fleuves s’y déversant ont pour conséquences de raréfier les apports en substances nutritives et de constituer un bassin d’accumulation en sels. En effet, le déficit en eau douce est compensé chaque année en grande partie par les apports d’eau de l’océan Atlantique.
Avec 0,8 % de la surface de l’océan mondial, la Méditerranée est un pôle de biodiversité et abrite plus de 8 % de la biodiversité marine (10 000 à 12 000 espèces marines recensées, faune et flore confondues). Avec un taux d’endémisme élevé, par rapport à la plupart des autres mers et océans, 87 % de sa biodiversité est présente dans le seul bassin occidental. Notre façade maritime mérite bien les engouements qu’elle suscite mais aussi, et surtout, toute notre attention.

A3. Répartition de la vie

Tous les paysages sous-marins ne se sont pas constitués au hasard. La mer façonne le milieu physique. Les organismes vivants se répartissent sur ces supports en fonction de l’influence de facteurs tels que :

  • La lumière : elle diminue avec la profondeur et en fonction de la complexité du relief. Les algues et les plantes s’épanouissent dans les zones bien éclairées (dites photophiles), alors que certains animaux fuient la lumière (dits sciaphiles).
  • Les particules en suspension : ce sont des petits grains minéraux et des fragments de matière organique qui constituent souvent la base de la nourriture.
  • La température : elle a une influence d’autant plus grande que ses variations sont fortes (c’est notamment le cas près de la surface).
  • L’hydrodynamisme : plus on est proche de la surface, plus la houle et les vagues auront un impact sur les biocénoses.
  • La nature du fond : la stabilité du support ou la présence d’anfractuosités (abris et protection) seront également un facteur important de sélection pour les organismes vivants.

L’hétérogénéité de la répartition des espèces en fonction de la profondeur est un point essentiel pour la compréhension des problématiques. La majorité des espèces se concentre sur les zones les plus proches de la surface et décroît avec la profondeur.
Le schéma ci-après représente les différents étages du milieu marin, ainsi qu’un début de répartition des êtres vivants selon deux grands types de mode de vie :

  • le pelagos qui représente la vie de pleine eau,
  • le benthos qui concerne la vie sur les fonds.

Le pelagos est l’ensemble des organismes vivant en pleine eau. Il comprend :

  • le plancton, constitué par l’ensemble des organismes passifs vis-à-vis des mouvements de la masse d’eau et vivant en suspension (phytoplancton, fraction végétale, et zooplancton, fraction animale),
  • le necton, constitué par l’ensemble des organismes capables de se déplacer, éventuellement contre les courants, tels que les poissons, certains crustacés, les céphalopodes et les mammifères marins.

Le benthos comprend l’ensemble des organismes vivant en contact direct ou à proximité du fond. Il comprend également une fraction végétale, phytobenthos, et une fraction animale, zoobenthos. La plupart des espèces benthiques sont fixées ou peu mobiles donc fortement soumises aux variations de leur milieu.
Leur classification est un étagement en fonction des facteurs ambiants : l’humectation et la lumière principalement ainsi que l’hydrodynamisme, la salinité, la nature du substrat et la température. Il est possible d’y associer des groupes d’espèces remarquables et caractéristiques.
On distingue donc plusieurs étages selon le gradient vertical de luminosité et d’humectation :

  • étage supralittoral où vivent des organismes exigeant une forte humectation assurée par les embruns et les fortes vagues, sans être immergés. Ils sont adaptés à la dessiccation,
  • étage médiolittoral correspondant à la zone battue par les vagues et soumise aux marées. Cette zone présente une alternance d’émersions et d’immersions. La hauteur de cet étage est limitée en Méditerranée du fait de la faible amplitude des marées,
  • étage infralittoral : zone immergée compatible avec la vie des phanérogames marines13 et des algues photophiles (environ 40 m),
  • >étage circalittoral : jusqu’à la profondeur maximale compatible avec la survie d’algues pluricellulaires (environ 120 m),
  • étage abyssal : très profond, il est encore mal connu.

A4. Les biocénoses remarquables

1. les herbiers de posidonie

(illustration ©S. Habsbrouck)
L’herbier à Posidonia oceanica (fait partie des phanérogames) est considéré comme l’un des écosystèmes les plus importants, voire l’écosystème pivot de l’ensemble des espaces littoraux méditerranéens.
Espèce endémique de Méditerranée, c’est le stade ultime d’une succession de peuplements et sa présence est la condition sine qua non de l’équilibre écologique de beaucoup de fonds littoraux méditerranéens. Son recul a été mis en évidence, tout au long des côtes de la région PACA, aux abords des agglomérations et des grands centres industriels et portuaires. Le schéma ci-contre exprime les rôles multiples et bénéfiques de l’herbier de posidonie vis à vis du milieu marin méditerranéen.
Deux autres phanérogames marines peuvent être rencontrées dans la zone littorale : la cymodocée et la zostère.

Toutes ces espèces sont prises en compte dans le décret d’application de la «loi Littoral» du 20 septembre 1989, et certaines font l’objet de statuts de protection particuliers. P.oceanica est une espèce protégée (arrêté de protection de 1988) en France : « (…) il est interdit en tout temps et
sur tout le territoire national de détruire, de colporter, de mettre en vente, de vendre ou d’acheter et d’utiliser tout ou partie des spécimens sauvages ».
La présence d’herbiers doit également être prise en considération dans les dossiers d’aménagement et les
études d’impact.

2. Le corraligène

Le coralligène, construction bâtie principalement par des végétaux calcaires, constitue un habitat pour
près de 1 700 espèces végétales et animales. Ces algues s’accumulent avec le temps pour former des
concrétions qui tendent à recouvrir totalement le substrat élaborant ainsi une mosaïque de communautés animales et végétales. Sa croissance est de l’ordre de 1 mm/an. Plusieurs milliers d’années sont donc nécessaires à l’élaboration de cet écosystème.
Le coralligène constitue un véritable paysage, allant de quelques mètres sous la surface à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Ses habitants l’occupent dans les 3 dimensions de l’espace. Tous les grands animaux marins y sont représentés avec une biodiversité remarquable.

B. Les pressions subies par les écosystème

B1. La destruction des habitats

Aujourd’hui, la destruction physique massive des habitats est la plus grande menace pesant sur la biodiversité marine. La dévastation des forêts est un exemple avéré en milieu terrestre. Le littoral méditerranéen, de part la clémence de son climat, est une zone habitable très convoitée, saturée dans beaucoup de localités. Les aménagements littoraux sont à l’origine de la régression d’organismes ingénieurs d’écosystèmes, tant par leur présence que par les conséquences de leur construction. Ainsi, l’herbier de posidonie précédemment évoqué a quasiment disparu aux alentours des grandes
agglomérations.
Le changement de la topographie des fonds littoraux est la cause de modifications des déplacements sédimentaires au niveau de la côte. Ces effets peuvent se ressentir à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce phénomène, couplé à l’engraissement artificiel des plages avec des particules fines augmente la sédimentation au niveau des herbiers.
De plus, les loisirs et sports de pleine nature sont en constante augmentation. La plaisance en est la parfaite illustration. Par exemple, environ 35 000 bateaux de plaisance fréquentent les eaux du Parc National de Port-Cros entre avril et octobre. L’impact des mouillages répétitifs de ces bateaux au niveau des zones de petits fonds participe en grande partie au recul des habitats côtiers.
La plongée sous-marine s’est largement développée ces dernières années en raison des progrès techniques dans l’équipement et de l’intérêt croissant du public pour la nature. Certains sites ont été ainsi soumis à une fréquentation importante voire à une surfréquentation pouvant menacer l’équilibre et même parfois détériorer les habitats.

B2. Les espèces invasives

Une cause très forte de perturbation en milieu marin est liée à l’introduction (volontaire ou accidentelle) d’espèces non natives aux origines multiples :

  • espèces parasites ou associées à des espèces importées volontairement,
  • remise d’animaux ou de végétaux domestiques dans le milieu naturel,
  • transport d’organismes par les voies de communication maritimes, notamment par les vidanges des eaux de ballast dans les ports,
  • transport et dissémination d’espèces par les ancres ou toute surface mal rincée qui sont par la suite réimmergées dans des secteurs plus ou moins éloignés,
  • migrations lessepsiennes (du nom du constructeur du canal de Suez).

Ces espèces introduites, lorsqu’elles survivent et prolifèrent, peuvent entraîner des modifications au niveau du biotope. Lorsque les espèces introduites entrent en compétition avec les espèces natives et qu’elles tendent à les remplacer, on parle alors d’espèces invasives (exemple : Caulerpa taxifolia, photo ci-contre).

Les conséquences de ces invasions biologiques peuvent avoir de lourdes répercussions à différents niveaux. Le remplacement d’espèces ingénieurs d’écosystèmes modifie l’ensemble des communautés qui y sont associées et adaptées. Le développement non contrôlé (prédateur, parasite, compétiteur) de ces espèces tend à aboutir à une homogénéisation de zones géographiques plus ou moins vastes. Il peut en résulter :

  • une diminution du nombre d’habitats,
  • une diminution de l’abondance des organismes natifs,
  • une diminution de la taille des organismes,
  • une diminution de la biodiversité spécifique à l’échelle régionale,
  • la production de produits toxiques.

Les conséquences peuvent être dramatiques pour l’économie locale, comme la diminution des prises de poissons commerciaux ou la non commercialisation d’organismes devenus toxiques. Dans le contexte actuel de développement durable, il est également nécessaire de ne pas négliger la perte de diversité paysagère.

B3. L’exploitation des ressources

1. La pêche professionnelle

En Méditerranée, on distingue deux types de pêche professionnelle : les petits métiers côtiers et les métiers du large. Les modes de pratique de ces deux catégories de pêcheurs induisent des conséquences sur le milieu largement différentes.
En effet, les petits métiers représentent une activité artisanale dont les effectifs sont en constante régression. La majorité des professionnels sont des fileyeurs et leurs prélèvements sont donc très ciblés. On trouve aussi quelques oursiniers et palangriers et là encore les espèces prélevées sont spécifiques. Leur zone d’intervention est située à l’intérieur de la zone des trois milles nautiques14. La taille des bateaux étant inférieure à 18 m, cette activité s’effectue uniquement à la journée et la vente se fait souvent directement sur le quai.
Les métiers du large interviennent au-delà des 3 milles : les chalutiers effectuent des prélèvements non sélectifs sur des poissons pélagiques et les thonniers-senneurs ciblent le thon rouge. Les embarcations sont de taille beaucoup plus importante et nécessitent du personnel. Leur viabilité économique demande donc des prélèvements importants.

Ainsi, au regard des spécificités de chaque pratique, les problèmes de surpêche ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la profession. Les petits métiers participent plutôt à la gestion du milieu marin et font partie intégrante du territoire.
L’importance de l’économie liée à la pêche au large et la perpétuelle augmentation des prélèvements sont à l’origine de la diminution des stocks de poissons. Cette surexploitation va même jusqu’à modifier la structure génétique de certaines espèces. Les prélèvements trop importants au niveau d’un compartiment, généralement au niveau des prédateurs, entraînent des modifications majeures sur l’ensemble du réseau trophique. La rupture de l’équilibre trophique par la diminution ou la disparition d’un compartiment peut entraîner des dérèglements se traduisant par la prolifération d’espèces n’ayant plus de prédateurs
ou encore par la disparition d’espèces associées ou dépendantes.

2. La pêche de loisir

La pêche amateur ou pêche maritime de loisir représente la pêche dont le produit est destiné à la consommation exclusive du pêcheur et de sa famille, et qui ne peut être colporté, exposé ou vendu. Cette activité est en croissance rapide partout dans le monde. L’intensification des usages fait partie des futures problématiques de gestion du littoral sur lesquelles les structures de gestion du milieu marin se penchent.
Cette activité regroupe donc une grande diversité de pratique. Les prélèvements de la pêche amateur sont peu étudiés en Méditerranée. Toutefois, les quelques études réalisées ont montré que les prises ne sont pas négligeables par rapport à celle de la pêche professionnelle avec des tonnages annuels prélevés parfois équivalent.
Ainsi, bien que les prélèvements de la pêche de loisir soient difficiles à quantifier, le non respect des tailles de capture (prélèvements de poissons de petite taille) altère la capacité de régénération de la ressource, traduisant un déséquilibre démographique. La dynamique de certaines espèces ainsi que leur mode de vie les rendent particulièrement vulnérables. Par exemple, certaines espèces de poissons ayant une durée de vie élevée ou ayant un cycle de reproduction particulier auront d’autant plus de mal à reconstituer leur population si les prélèvements sont trop importants.

B4. La pollution

1. Le bassin versant

Le bassin versant est défini par le relief et le sens d’écoulement des eaux. Sa limite est la ligne de partage des eaux. Ses apports peuvent être d’origine anthropique, par exemple le déversement des eaux utilisées par l’homme pour sa vie quotidienne (eaux urbaines, traitées ou non) ou pour ses activités (eaux industrielles traitées ou non, agriculture, …). Il s’agit aussi d’apports naturels par les cours d’eau. Mais, leur aspect naturel est largement amoindri par les contaminations qu’ils subissent tout
au long de leur parcours. Enfin, les eaux de pluie, qui dévalent les pentes, sont un apport supplémentaire à la mer, et avec elles, tous les contaminants qu’elles auront pu récupérer sur leur parcours (lessivage de l’atmosphère et des sols). Ces polluants peuvent être dangereux pour la faune et la flore marine et porter atteinte aux activités humaines (tourisme balnéaire, pêche, …) par contamination des coquillages, poissons et autres crustacés ou par la mauvaise qualité sanitaire des eaux de baignade.

2. Les eaux usées

Les rejets des réseaux d’assainissement d’une agglomération sont liés à l’évolution de la population. Les régions littorales sont particulièrement attractives : en France, la densité moyenne de la population littorale est de 257 hab./km² (690 hab./km² pour la région PACA), le double de la moyenne nationale. La fluctuation saisonnière de la population y est nettement marquée. En 1994, la pollution émise sur le littoral par les agglomérations de plus de 10 000 habitants correspondait à 10,3 millions d’équivalent-habitants.
Il ne faut pas oublier l’impact des rejets industriels. Les principaux composants rejetés étant le mercure et le cadmium (le plus surveillé), les organochlorés (présent dans les solvants, pesticides, insecticides, fongicides ou réfrigérants par exemple) et les hydrocarbures persistants. Il existe une multitude d’industries qui rejettent en mer via les cours d’eau. Désormais, la loi oblige ce type d’industrie à s’équiper de systèmes d’épuration.
Les eaux pluviales se chargent de polluants au cours de leur périple. Dans l’atmosphère, elles récupèrent des micro-particules solides (métaux lourds, oxydes d’azote et de soufre). À terre, elles ruissellent et elles lavent les sols qui ont accumulé toutes sortes d’éléments. L’impact des eaux de ruissellement est corrélé aux caractéristiques des précipitations. En région méditerranéenne, la moyenne annuelle des précipitations est faible. Les précipitations ont un fort impact car elles apparaissent sous forme de pics rares et violents. Elles drainent de grandes quantités d’eau qui se chargent de polluants accumulés dans l’atmosphère et sur les sols, surtout en période estivale.

3. Les macro-déchets

Les déchets présents sur le littoral peuvent être d’origines diverses :

  • Les abandons sur le littoral par les usagers : restes de pique-niques, bouteilles en verre ou plastique, canettes en métal, mégots et paquets de cigarettes, journaux, crème solaire, vêtements, …
  • Les ports : les déchets proviennent de pertes lors de la manutention des cargaisons sur les quais et les navires, des activités de pêche, de l’entretien des bateaux sur les aires de carénages mais aussi de l’abandon d’ordures ménagères.
  • Les décharges : les décharges sauvages à proximité du littoral et de cours d’eau sont une source importante de déchets à la mer (voire décharges « officielles » par transport éolien des déchets légers).
  • Les activités domestiques et industrielles : tout déchet échappant au système d’élimination est susceptible de s’échouer sur le littoral.
  • Les navires de passage : la part de ces déchets est difficile à estimer. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) a mis en évidence le lien entre les accumulations de débris au fond des mers et les lignes des car-ferries. Le contrôle portuaire ne fait pas de corrélation entre les quantités débarquées / embarquées.

Les facteurs de déplacement sont de trois types :

  • les cours d’eau, vecteur principal de l’intérieur vers le littoral,
  • les courants marins, qui piégent les déchets dans des zones à faible hydrodynamisme,
  • le vent, en particulier pour le transport des déchets de la terre vers la mer.

4. Les activités nautiques

La concentration de bateaux et donc de rejets présente un risque sanitaire : la qualité des eaux de baignade peut ainsi se détériorer sur certains sites de mouillage. Les produits utilisés peuvent se concentrer à la surface de l’eau. C’est notamment le cas des détergents et savons. Les tensioactifs limitent les échanges d’oxygène entre l’air et l’eau. Ils se fixent sur les végétaux, inhibent leur croissance et induisent des nécroses.
Les herbiers de posidonie y sont donc très sensibles. Ils modifient aussi le comportement de la faune, notamment des coquillages (filtreurs).

B5. Le changement climatique

Le contexte climatique actuel constitue aussi une influence majeure sur le régime des perturbations environnementales. Son origine est à l’heure actuelle toujours incertaine, mais elle est très probablement liée aux activités humaines.
Le changement climatique se manifeste par deux tendances majeures :

  • Une hausse de la température moyenne à l’échelle planétaire de l’ordre de 0,8 °C.
  • Une augmentation de la fréquence et de l’ampleur d’évènements climatiques extrêmes.

Ces paramètres entraînent des modifications dont l’importance peut être très variable localement. Elles peuvent se traduire par des changements d’aires de répartition de certaines espèces ou par la disparition d’espèces peu mobiles et à faible dynamique.
On parle ainsi parfois de « tropicalisation » de la Méditerranée pour désigner l’apparition d’espèces à affinité chaude dans le bassin nord-occidental.

C. Le rôle du sentier sous-marin dans la gestion du milieu

C1. Gestion intégrée des zones côtières

La Gestion Intégrée des Zones Côtière (GIZC) est une approche spécifique des problèmes croissants rencontrés en zone côtière, que ce soit sur le littoral terrestre ou dans la zone marine proche du rivage. La généralisation de cette approche a fait l’objet d’une recommandation européenne en 2002, dont la mise en oeuvre en France a été décidée par le Comité Interministériel de la Mer du 29 avril 2003.
Dans ces zones, se concentrent un nombre croissant d’activités humaines (traditionnelles, comme la pêche, ou l’agriculture, ou nouvelles : énergie, plaisance et tourisme) ou d’impacts d’activités humaines terrestres et marines (pollution des eaux côtières, diminution de la biodiversité et disparition des paysages). Cette croissance continue se traduit notamment à terre par des problèmes fonciers, en mer par des conflits d’usage. Devant cette surcharge croissante d’un espace réduit, il devient impossible de se satisfaire de l’approche sectorielle classique, où chaque instrument réglementaire ou chaque action ne prend en compte que les objectifs d’un seul acteur, négligeant les
impacts croisés avec les autres secteurs d’activité. Même les approches classiques de gestion de l’espace (schémas d’urbanisme) ne permettent plus de gérer de manière satisfaisante un espace trop rare et trop disputé, qu’il faut partager faute de pouvoir encore le diviser.

La GIZC est une approche nouvelle pour traiter de manière globale tous ces problèmes interdépendants.

Elle repose sur le constat que :

  • les zones côtières ont leurs propres échelles de temps et d’espace. Ce sont des zones très évolutives, et dont la cohérence n’est claire qu’à l’échelle locale. C’est donc à ces échelles (et non à l’échelle régionale, ou a fortiori nationale) que doivent être conçus les instruments de gestion dans ces zones.
  • À la multitude d’enjeux que l’on rencontrent sur le littoral, parfois en opposition, correspondent de très nombreux acteurs (État, collectivités, établissements publics, acteurs socio-économiques, citoyens), dont aucun n’est ainsi légitime, seul, pour représenter tous les enjeux et imposer des compromis.
  • En zone côtière, tous les enjeux sont liés de près ou de loin à la présence de la mer et de la terre.
  • L’approche réglementaire, basée sur la planification, n’est pas assez évolutive pour permettre la prise en compte efficace des évolutions rapides des contextes littoraux (environnementaux, socio-économiques, culturels). De plus, les instruments réglementaires ne peuvent couvrir toutes les spécificités locales.
  • Un grand nombre de politiques insuffisamment intégrées et définies à des niveaux très variables (international, communautaire, national, régional, local), et donc portées par des acteurs très divers, s’expriment sur le littoral : environnement, prévention des risques, agriculture et forêts, transports, énergie, urbanisme, aménagement du territoire, pêche et élevage marin, tourisme, protection du patrimoine, recherche scientifique, ports et navigation, exploitation de ressources naturelles.

L’expression « Gestion Intégrée des Zones Côtières » résume bien l’essentiel de l’approche :

  • « zones côtières » fait ressortir la nécessité de traiter simultanément terre et mer,
  • « gestion » fait apparaître le caractère dynamique du traitement des problèmes, par rapport à l’approche peu évolutive des réglementations et des schémas de planification,
  • enfin, « intégrée » souligne la nécessité de traiter simultanément tous les problèmes dans la recherche d’une solution globale.

Concrètement, la mise en oeuvre d’une démarche de GIZC implique :

  • l’identification d’un périmètre pertinent (englobant dans le cas général terre et mer), où les enjeux et les acteurs sont bien identifiés ; ce sont les enjeux qui définissent le territoire, et non l’inverse : ceci explique pourquoi les divisions administratives (ex : communes, départements, …) ou les « territoires » associés à une partie seulement des enjeux (d’urbanisme par exemple) sont rarement pertinents pour la gestion des zones côtières ;
  • l’organisation d’une concertation entre acteurs pour identifier les enjeux dominants ; cette concertation initiale, assez longue (typiquement plusieurs années), permet à tous les acteurs (collectivités, services de l’État, acteurs socioéconomiques, associations, …) de s’approprier le diagnostic des enjeux principaux du territoire concerné ;
  • la définition, par ces mêmes acteurs, des objectifs qu’ils entendent viser dans le périmètre : objectifs sectoriels, environnementaux, culturels, sociaux, … Les objectifs étant déterminés en commun, chaque acteur est associé à la définition des compromis (inévitables) auxquels il sera soumis : ceci est un facteur d’acceptation, mais aussi une garantie d’autodiscipline ultérieure (dans l’utilisation des ressources – dont l’espace, comme dans la maîtrise des impacts) ;
  • la définition en commun de règles de gestion, et leur mise en oeuvre par une structure opérationnelle autonome, qui devrait avoir idéalement la capacité d’assurer la maîtrise d’œuvre dans les domaines importants pour le territoire, et à laquelle les acteurs pourraient déléguer tout ou partie de leurs attributions, notamment en matière de police, de gestion foncière, … ;
  • un projet intégré disposant d’une capacité de financement réelle, pour garantir une action sur le long terme que ne peuvent soutenir des financements d’opportunité (fonds structurels, etc.). Il devrait notamment pouvoir bénéficier du produit des redevances et taxes locales et mettre en place des droits d’usage des ressources qu’il gère (parcs, espaces naturels, plages, …) ;
  • un système d’indicateurs permettant le suivi des principaux enjeux du projet (état de l’environnement, foncier, etc.), l’évaluation de la gestion et la réorientation éventuelle des décisions de gestion.

La concertation pour une action GIZC peut se faire à travers une structure légère, éventuellement peu formelle ou peu pérenne (association, Groupement d’Intérêt Public, etc.) ; la gestion proprement dite doit s’appuyer sur des structures permanentes qui pourraient être construites sur un instrument générique (par exemple, un syndicat mixte modifié avec lequel l’État pourrait être partenaire), dont le conseil d’administration associerait tous les acteurs reconnus (collectivités : communes, département, région ; État : préfecture, préfecture maritime ; acteurs socio-économiques, associations représentatives, établissements publics comme le Conservatoire du littoral).

C2. Des exemples de gestion intégrant l’outil sentier sous-marin

Aujourd’hui, 18 structures reconnues dans le cadre de l’éducation à l’environnement organisent des sentiers sous-marins en Méditerranée française. Une douzaine d’entre elles ont une activité suivie. 13 sont des collectivités territoriales ou des établissements publics. Les autres sont des associations, mais la plupart travaille en partenariat avec un gestionnaire de milieu (exemple : Conservatoire du littoral).
L’outil sentier sous-marin fait ainsi souvent partie intégrante d’un plan de gestion. En voici quelques exemples.

1. Le sentier sous-marin de Peyrefite

Gestion : Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls / Pyrénées Orientales
Officiellement née le 26 février 1974, elle est l’unique réserve naturelle exclusivement marine de France.
Ses objectifs sont :

  • faire participer les usagers du domaine marin à la protection de ce milieu et de son repeuplement ; le but principal de cette réserve était de restaurer le patrimoine local, c’est à dire de permettre aux espèces menacées de retrouver leur densité naturelle et un taux normal de reproduction,
  • être un outil de travail pour des recherches scientifiques appliquées,
  • avoir un intérêt pédagogique et culturel pour sensibiliser le public,
  • procurer un avantage économique : accroître l’intérêt des touristes pour cette côte,
  • augmenter la rentabilité de la pêche des petits métiers.

La Réserve Naturelle assure ainsi cinq grandes missions

  • La surveillance du site.
  • L’observation et le suivi scientifique.
  • La gestion de l’activité anthropique (suivi de la pêche professionnelle et de loisir,élaboration d’un partenariat avec les structures de plongée, signature d’une charte de préservation du milieu sous-marin, études de fréquentation du site, aménagement des sites de plongée).
  • L’animation pédagogique (public d’enfants).
  • L’accueil du public.

Dans le but de sensibiliser la population locale et les touristes à la protection du milieu marin, le Conseil Général des Pyrénées-Orientales, par l’intermédiaire de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls a créé un sentier inauguré le 5 juillet 2000.

2. Les sentiers itinérants du Littoral des Maures

Gestion : Observatoire Marin du Littoral des Maures / Var
Structure de conseil à caractère scientifique, technique et pédagogique, l’Observatoire Marin a pour objectif d’agir en faveur du développement durable du littoral des Maures par :

  • la connaissance des milieux littoraux,
  • la sensibilisation des usagers,
  • la gestion des milieux littoraux et de leurs usages.

Le dernier document-cadre (2005-2009) établit 3 grands objectifs qui se décomposent en 8 sous-objectifs et 31 actions. Parmi ces actions, on retrouve le développement de l’activité sentier sous-marin. Afin de valoriser l’ensemble du territoire des 4 communes membres de
l’Observatoire Marin, ce sentier sera sous forme itinérante (lancé en juillet 2007).

3. le sentier sous-marin de la Palud

Gestion : Parc National de Port-Cros / Var
Le sentier sous-marin de la Palud a pour objectif d’initier les adultes et les enfants à la découverte du milieu marin méditerranéen par le contact et l’immersion dans une
zone du littoral non perturbée. Cette activité de découverte s’intègre dans une démarche globale d’accueil et de sensibilisation du public, en complément d’autres outils proposés sur place.
Depuis sa création en juillet 1979, le sentier sous-marin de Port-Cros est considéré par le public comme un excellent outil de découverte et de contact avec le milieu marin méditerranéen.

4. le sentier sous-marin de l’Ile Verte

Gestion : projet – Conseil Général des Bouches du Rhône
Cette collectivité territoriale a lancé un plan de gestion sur deux de ces Espaces Naturels Sensibles : L’Ile Verte et le Mugel (La Ciotat). 7 priorités ont été définies qui se déclinent en 31 actions. Une des priorités est de valoriser le patrimoine auprès du public en favorisant la découverte
du milieu marin dans des conditions privilégiées. Un sentier sous-marin a donc été préconisé. À noter que cette action n’a pas été concrétisée pour l’instant.

5. le sentier sous-marin de la calanque du Port d’Alon

Gestion : CPIE Côte Provençale – Atelier Bleu du Cap de l’Aigle / antenne du Var
Le site de la calanque du Port d’Alon est une propriété du Conservatoire du Littoral gérée par la municipalité de Saint-Cyr-sur-Mer. Jusqu’en 2005, seule la partie terrestre faisait l’objet d’un plan de gestion. Le comité de gestion du site a souhaité valoriser le milieu marin tout
en favorisant sa préservation. Ce site est en effet déjà très fréquenté. L’objectif a donc été de développer une activité de découverte du milieu mais avec une priorité pour la gestion du flux. Ainsi, un sentier sous-marin a été créé sous la forme d’une activité encadrée, sans balisage
et pour un nombre réduit de personnes par jour (16 personnes maximum – un seul encadrant).

C3. Le sentier sous-marin et la gestion du milieu

Une enquête a été réalisée auprès d’une dizaine de gestionnaires de sentiers sousmarins.
Elle a permis d’identifier les missions prioritaires. Sur les dix missions proposées dans le questionnaire, trois ressortent de façon prépondérante : La présentation du milieu, l’éducation et la sensibilisation à l’environnement et la communication – valorisation du patrimoine et du milieu marin.

Le sentier sous-marin peut permettre d’apporter aux pratiquants une nouvelle vision du milieu marin en tant que lieu de vie avec des richesses et des fragilités. Il s’agit ainsi de les amener à adopter des comportements adaptés à la préservation des sites.
C’est donc un outil d’éducation dans un but de préservation.

Ces aménagements sont installés sur des sites riches mais fragiles. Leur existence peut permettre de canaliser la fréquentation. C’est notamment le cas pour des sentiers balisés. Les usagers utiliseront de préférence le site aménagé et suivront le parcours.
De même pour les activités encadrées sur une zone délimitée.

Le sentier sous-marin est aussi une source d’activité économique par la création d’emploi et par les ressources financières dans le cas d’accès payant. Ces ressources peuvent être ré-injectées dans la gestion du site (Exemple de l’Association du Domaine du Rayol). Ainsi, on estime à 50 000 le nombre de pratiquants annuels, dont 17 000 encadrés.

Conclusion

En Méditerranée, la majorité de la biodiversité se concentre entre 0 et 30 m de profondeur avec la visibilité la plus précise entre 0 et 10 m (du fait d’apports faibles en nutritif). La pratique du sentier sous-marin se situe également entre 0 et 10 m car cette tranche de profondeur permet d’observer facilement de la surface une grande diversité de faune et de flore.
On y retrouve en particulier les herbiers de posidonie qui constituent de fait un paysage incontournable des sentiers sous-marins en M2diterranée.
Cette grande diversité, se trouvant proche des côtes, est par conséquent aussi très sensible aux pressions anthropiques : multiplicité des usages nautiques (plaisance, plongée, pêche, baignade, …), interface terre/mer (rejets d’eaux usées, pluvial, macro-déchets,…).
Ces caractéristiques ont ainsi favorisé le développement des sentiers sous-marins.
Ce développement suit plusieurs tendances :

  • des collectivités territoriales envisagent de créer, de leur propre initiatique, une zone de sentier sous-marin surveillée, protégée, equipée de panneaux terrestres ou aquatiques. L’objectif est à la fois touristique et de préservation, la préoccupation majeure est la simplicité de mise en place et de gestion (inclus dans le plan de balisage et la surveillance des zones de baignade). Lors de la conception du sentiers sous-marin, ces structures font appel, pour la partie connaissances du milieu et pédagogie, à des institutions proches (scientifiques, institution, parcs Nationaux ou Régionaux).
  • des collectivités locales s’appuient sur des clubs de plongée ou inversement des clubs se tournent ver s leur collectivité territoriale pour créer une zone de sentier sous-marin. l’objectif est la fois économique et environnemental, la préoccupation est la gestion concertée de la ressource.

Au regarde de l’engouement actuel pour cette pratique, on peut estimer que le nombre de sentiers sous-marins organisés par des collectivités territoriales pourrait atteindre la cinquantaine d’ici 3 à 5 ans en Méditerranée française. ils constitueront autant de zones protégées et pourraient impliquer plus d’une centaine de clubs du littoral (sans compter des clubs de l’intérieur qui pourraient adhérer), ce qui représentera un nombre significatif de pratiquants.